Si on me demandait quel serait pour moi le comble de l’hypocrisie, je dirais que les exemples en la matière ne manquent certes pas, mais que s’il fallait n’en choisir qu’un seul parmi cette multitude, sans doute aurais-je envie de mettre en avant l’hypocrisie qui selon moi se dégage du sketch de Coluche, dans lequel il fait dire à Dieu quelque chose comme : « Il y aura des grands et il y aura des petits, il y aura des beaux et il y aura des moches, il y aura des riches et il y aura des pauvres … mais tous seront égaux ». Personnellement, je ne vois pas comment on pourrait ne pas en rire et, quoi qu’il en soit, là j’avoue, que si Dieu a vraiment dit cela, je lui décernerais volontiers la palme de l’hypocrisie la plus finement ciselée, mais bien sûr ce n’est qu’un sketch, bien qu’à mon avis à peu de choses près ils doivent quand même être nombreux à y adhérer vraiment.
Il convient toutefois de rappeler que hypocrisie signifie littéralement ce qui diminue ou fait diminuer la crise, ce qui la rend moins prégnante en faisant baisser la tension, et parvient à la rendre plus ou moins acceptable aux parties prenantes. Une qualité de diplomate en somme.
On dit aussi que l’hypocrisie serait un hommage que le vice rendrait à la vertu. J’avoue que j’aime bien cette idée qui me semble en outre très vraie. En effet, si on réfléchit un peu, à part pour ceux qui n’ont vraiment aucune morale ou conscience du mal qu’ils causent ou ont causé, tous ceux qui ont sciemment opté pour le vice plutôt que pour la vertu savent très bien en général au fond d’eux, en commettant leurs actes répréhensibles, qu’ils n’agissent pas comme ils le devraient.
Ils intériorisent une forme de culpabilité même réduite au strict minimum. Le violeur par exemple cherchera en général à réduire son sentiment de culpabilité en voulant renvoyer cette culpabilité vers sa ou ses victimes. Il dira ainsi par exemple que c’est parce qu’elle portait une minijupe qu’il a violé cette femme qui a eu le malheur de se trouver là. Qu’en fait c’est elle qui l’a provoqué, que si elle avait eu une tenue décente il ne se serait rien passé. Ce faisant, le violeur, à part s’il nie le viol, admet plus ou moins avoir mal agi, en tentant certes toutefois de s’attribuer des circonstances atténuantes. D’une certaine manière, il reconnaît que son comportement est condamnable, qu’il ne s’est pas conduit correctement et que donc ce qu’il a fait n’était pas vertueux. Qu’en somme la vertu prime sur le vice, qui en conséquence rend ainsi une sorte d’hommage à la vertu, en la considérant de fait comme supérieure à lui, plus respectable.
Cependant, si l’on considère que l’hypocrisie n’est en définitive pas une si mauvaise chose que ça, voire même peut-être tout compte fait une très bonne chose, alors pourquoi en avons-nous en général une si mauvaise opinion ? En effet, pourquoi ne sommes-nous vraiment pleinement satisfaits que quand on a le sentiment que notre interlocuteur est sincère et honnête, et non quelqu’un d’hypocrite qui cherche manifestement à nous rouler ?
Quelqu’un pourra-t-il un jour m’expliquer cette préférence innée ou quasi-innée que l’on a en général pour la vérité plutôt que pour le mensonge ? Pourquoi les personnes de bonne volonté ont-elles naturellement tendance à s’imposer d’être honnête quand il serait tellement plus simple de ne pas l’être ? Pourquoi, si d’aventure on s’autorise parfois quelques mensonges, a-t-on en revanche beaucoup plus de mal à accepter que les autres puissent nous mentir ? A ce sujet, en ce qui me concerne, même si je pense que l’hypocrisie peut certes parfois être une solution tout comme peut l’être par ailleurs un compromis dans certaines situations inextricables, je trouve néanmoins qu’à s’encombrer la mémoire de mensonges inutiles, on finit par risquer de s’y habituer et au bout du compte peut-être, sait-on jamais, devenir fou ou, qui sait encore, perdre son âme.
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