D’après William, coureur de jupons notoire, il y a deux catégories de femmes : d’une part les femmes intéressées et d’autre part les femmes intéressantes. Pour lui, toutes les femmes, ou presque, rêvent du prince charmant, rêvent de devenir princesses. Derrière ce rêve se cache leur avidité, leur cupidité, leur besoin de sécurité. En effet, pour être charmant l’élu doit être prince, c’est-à-dire riche ou au moins brillant. Sinon pourquoi ne rêveraient-elles pas d’un balayeur ou d’un éboueur charmant ? Parce que ces métiers ne font pas rêver ces dames, car lorsqu’on est balayeur ou éboueur, on n’est pas charmant à leurs yeux. On répondra que c’est faux puisque les balayeurs et les éboueurs aussi trouvent à se marier, mais on pourrait en retour répondre à cela que si elles avaient pu trouver un prince plutôt qu’un balayeur ou un éboueur, il est possible, voire peut-être probable, qu’elles auraient fait un autre choix. En tout cas, c’est ce que croit William dont la philosophie est d’en profiter au maximum, et il ne s’en prive pas. Il sait ce que veulent les femmes et n’hésite pas à mentir pour se présenter tel qu’elles aimeraient qu’il soit. C’est un séducteur et donc forcément peu ou prou un menteur. Des femmes, il en a connu de toutes sortes, mais à chaque fois ou presque il a constaté chez elles cette constante, ce besoin d’être valorisées au bras de celui qu’elles ont envie d’admirer, et pour cela encore faut-il que celui-ci soit valorisant. Pour conquérir ces dames, il ne se gêne pas et s’improvise médecin, avocat ou fils de bonne famille. Bien sûr, cela ne dure que le temps d’arriver à ses fins, car après il faut rompre avant qu’elles ne découvrent la vérité. Mais il s’en moque, car il ne veut pas s’attacher. Il veut rester libre et surtout ne pas se marier. Du moins, c’était avant qu’il ne rencontre Tatiana, une riche héritière qu’il aura réussi à séduire sans avoir besoin de tricher sur sa situation sociale. Pour la première fois depuis bien longtemps, il était amoureux. Mais de qui ou de quoi au juste était-il amoureux ? De la femme ou de sa fortune ? Pour elle, il était prêt à renoncer à sa liberté chérie et se lancer dans l’aventure du mariage, car il estimait en effet en se mariant faire un sacrifice, mais qu’en l’occurrence ce sacrifice méritait d’être fait. Pourquoi le méritait-il ? Était-ce à cause de l’amour qu’il prétendait avoir pour Tatiana ou à cause de la situation qu’elle lui offrait en l’épousant ? Avait-il à ce point une si haute opinion de lui-même qu’il estimait que son sacrifice méritait en retour cette récompense ? Les choses étaient-elles claires dans sa tête ou étaient-elles obscurcies par le sentiment qui, pensait-il, l’animait ? Aussi fut-il très déçu quand Tatiana lui annonça qu’elle n’avait pas l’intention de l’épouser, que pour elle il n’était qu’une aventure, qu’elle ne pouvait dans sa situation se permettre d’épouser quelqu’un qui ne soit pas de sa condition. Cela le rendit encore plus amer qu’il ne l’était avant, et il en devint quelque peu misogyne, si tant est qu’il ne l’était pas déjà. Il recommença à séduire de plus belle, mais avec cette fois comme le désir inconscient de se venger. Il n’acceptait pas en effet qu’une femme ait pu le rejeter, ne pas vouloir de lui comme mari, alors que, lui, était prêt à lui faire le sacrifice de sa liberté. Il vécut donc célibataire en accumulant les conquêtes et vieillit ainsi seul jusqu’à ce que sa condition physique ne lui permette plus de mener ce train de vie. Il trouva dès lors une compensation dans la lecture et dans la nourriture jusqu’à ce que la maladie l’empêche à son tour d’en profiter. Il vécut alors dans le souvenir de sa vie passé et trouva plaisir à se remémorer ses nombreuses conquêtes, sans jamais se remettre en question. La moralité de cette petite histoire, s’il en fallait une, est que si les femmes intéressantes ne sont pas forcément les plus intéressées, ce qui est valable pour les femmes l’est manifestement tout autant pour les hommes.
Alain G
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